Quand on aime, on ne compte pas. Ernest Cognacq semble avoir parfaitement assimilé la maxime, comme on peut le constater en se rendant au musée qui porte son nom. Situé au cœur du Marais, dans l’un des plus anciens hôtels particuliers du quartier, le musée Cognacq-Jay peut s’enorgueillir d’une collection pour le moins surprenante : 260 objets de vertu ! En les regardant le visiteur va de surprise en surprise, là un étui en forme de jambe, ici une bonbonnière en forme de tatou et là, un drôle de petit pistolet !
Ces objets de vertu, n’ont en réalité de vertueux que le nom. Il s’agit en réalité de bibelots précieux plus luxueux les que les autres, aux formes et utilité très variées. Montre, pommeau, boîte, étui en tout genre, tous répondent à l’appellation. Au XVIIIème siècle, on parlait plutôt de « bijoux » ce qui rend bien justice aux matériaux qui les composent.
Entièrement en or, le pistolet est recouvert d’émaux translucides d’un bleu profond et d’un rouge rubis qui laisse passer la lumière et voir le joli travail au guilloché du fond. Le petit lion couché sur le canon ne suffit cependant pas à lui donner un air martial. Et pour cause, si jamais cet objet fit des dégâts, ils furent olfactifs ! Car voici un vaporisateur à parfum ! En pressant la détente, la fleur s’ouvre pour laisser place à la pomme du vaporisateur.
Élégant, ingénieux, luxueux, d’une virtuosité technique époustouflante, toute l’essence du monde aristocratique du XVIIIème siècle se trouve dans cet objet. Certains orfèvres, comme Jean-François Bautte à qui on attribue parfois l’objet, s’en firent une véritable spécialité, les créant par paire avec différents motifs de lapins, lions ou autre. Une petite montre, ici disparue, était aussi intégrée dans la crosse. Certains de ces pistolets présentaient même un double canon, comme les armes réelles, mais toujours innocents, c’est un oiseau-chanteur qui surgissait.
Au vu du succès de ces objets étonnants, il faut croire que l’élite s’y reconnaissait. Le XVIIIème siècle est celui du trait d’esprit en parole ou par l’objet. Imaginez l’effet produit en société par la personne qui, au moment opportun bien entendu, dégainait son arme. Surprise devant le raffinement de l’objet, étonnement devant son ingéniosité mais aussi ravissement face à l’élégance du geste et de la main qui le manipule. Tout dans ce pistolet miniature renvoie à l’extrême sophistication des codes sociaux du siècle des Lumières à son goût pour le luxe, la curiosité mêlé à un soupçon de séduction.
Voilà un objet que l’on verrait bien entre les mains d’une Madame de Merteuil…
Visuel :
Pistolet à parfum, Anonyme (vers 1790)
Or émaillé et perles fines / H. 5,60 cm L. 12,30 cm P. 1,60 cm
© Musée Cognacq-Jay / Roger-Viollet