Depuis plusieurs siècles, les maisons de vente aux enchères jouent un rôle central dans la circulation des œuvres d’art. D’abord lieux d’échange privilégiés entre collectionneurs, elles sont devenues aujourd’hui de véritables institutions façonnant la valeur, la visibilité et même la réputation des artistes. De la première enchère publique à Londres au XVIIe siècle jusqu’aux ventes record orchestrées par Christie’s ou Sotheby’s à New York, le marché de l’art s’est progressivement structuré autour de ces acteurs majeurs.
Camille de Foresta, commissaire-priseur chez Christie’s Paris (© Christie’s Paris, 2021)
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Les origines des maisons
de vente aux enchères
Les premières enchères : des antiquités à la peinture
Les enchères trouvent leur origine dans l’Antiquité romaine, mais c’est à Londres au XVIIe siècle que naissent les premières maisons modernes. Fondée en 1744, Sotheby’s fut d’abord spécialisée dans les livres rares, avant d’élargir son champ à l’art et aux antiquités. Christie’s, fondée en 1766, devient rapidement son grand rival, attirant les collectionneurs européens en quête de prestige.
🕰️ Ces institutions ont contribué à établir la vente publique comme un mode transparent et codifié d’échange des œuvres.
Portrait de James Christie – Thomas Gainsborough, 1778
Le XIXe siècle : l’âge d’or des commissaires-priseurs
En France, la Révolution et la création du statut de commissaire-priseur (1793) officialisent un cadre professionnel et juridique pour les ventes. Des figures comme Charles Pillet ou Maurice Rheims marquent l’histoire des enchères parisiennes, où se croisent artistes, collectionneurs et marchands.
Les ventes deviennent alors des spectacles mondains, véritables baromètres du goût et des tendances.
À l’Hôtel Drouot – Benjamin Eugène Fichel, 1876
L’internationalisation progressive du marché
Au tournant du XXe siècle, le marché s’étend : New York, Paris et Londres s’imposent comme capitales artistiques, tandis que les ventes reflètent la domination économique croissante des États-Unis. Les chefs-d’œuvre européens traversent l’Atlantique, contribuant à la formation de grandes collections privées et muséales.
Le XXe siècle : modernisation et démocratisation des enchères
Après-guerre : l’émergence d’un marché global
Après 1945, la reconstruction économique favorise le commerce de l’art. Les maisons comme Sotheby’s ouvrent des succursales à Paris, Genève ou New York, participant à la mondialisation du marché.
Les ventes aux enchères deviennent des événements médiatiques, notamment grâce à des lots emblématiques : Picasso, Giacometti, Bacon ou Warhol battent record sur record.
La première vente aux enchères en soirée – Sotheby’s Londres, 1958 (Crédits UPPA/Photoshot)
Les maisons françaises : entre tradition et innovation
La fin du monopole des commissaires-priseurs en 2000 marque un tournant pour la France. De nouvelles maisons privées émergent, telles qu’Artcurial, Tajan ou Cornette de Saint Cyr, mêlant expertise traditionnelle et approche marketing.
💡 Artcurial, installée à l’Hôtel Marcel Dassault, a su imposer un style français combinant luxe, design et art contemporain.
Le rôle des ventes thématiques et de la médiatisation
Les ventes monographiques ou « single owner sales » deviennent un levier de communication puissant. L’exposition préalable des lots, la mise en scène et les catalogues illustrés participent à la mise en récit des œuvres.
Les grandes ventes deviennent des spectacles culturels autant que financiers.
Hôtel Marcel-Dassault (anciennement Hôtel Sabatier d’Espeyran) où se situe la maison de vente Art Curial (Photo Zeus Upsistos)
Les maisons de vente à l’ère numérique
La révolution des enchères en ligne
Depuis les années 2000, les plateformes comme Artnet, Paddle8, Catawiki ou Drouot Digital ont bouleversé les pratiques. Les acheteurs peuvent enchérir depuis le monde entier, 24h/24.
🔎 Ce tournant numérique a favorisé l’émergence d’un marché plus accessible et transparent, tout en ouvrant la voie à de nouveaux collectionneurs.
Les ventes phares du XXIe siècle
Les ventes spectaculaires d’œuvres comme le Salvator Mundi de Léonard de Vinci (450 millions $ en 2017) ou celles de collections privées telles que celle de Paul Allen ont consolidé le pouvoir symbolique et économique des maisons de vente.
Les enchères deviennent des marqueurs de prestige international et influencent directement les cotes des artistes vivants.
Salvator Mundi – attribué à Léonard de Vinci ou Bernardino Luini ou Giovanni Antonio Boltraffio (v. 1500) vendu aux enchères à Christie’s New York à 400 millions de dollars (hors frais).
Les défis contemporains : durabilité et éthique
Aujourd’hui, les maisons de vente doivent répondre à des enjeux cruciaux : traçabilité des œuvres, durabilité du marché, inclusion d’artistes femmes et non-occidentaux.
Les pratiques évoluent vers plus de transparence et de responsabilité, tandis que les jeunes collectionneurs privilégient des valeurs éthiques et environnementales.
Zoom : grandes ventes pendant la semaine de l'art à Paris
Nous vous en avions parlé dans le précédent article sur l’histoire des salons et foires d’art.
Du 20 au 26 octobre, Art Basel Paris et une douzaine d’autres foires ont eu lieu.
Parallèlement d’autres évènements artistiques se sont déroulés (expositions, performances, etc.) et les ventes d’automne des grandes maisons présentes à Paris.
Les records à retenir de la saison
À Sotheby’s Paris (Modernités & Surrealism and Its Legacy), Amedeo Modigliani Elvire en buste s’est vendue à 27 millions €, record pour l’artiste en France.
Toujours chez Sotheby’s Paris, René Magritte La magie noire a atteint 10,7 millions €, établissant un nouveau record pour cette série.
À Christie’s Paris, une toile monumentale de Yves Klein — California (IKB 71) — a été présentée à la vente pour la première fois. Résultat 18,375 millions €.
À Drouot, Buste de femme au chapeau à fleurs (Dora Maar) de Pablo (1943) s’est vendu pour 32 millions € par la Maison Lucien Paris, après avoir été caché plus de 80 ans.
Elvire en buste – Amedeo Modigliani 1918–1919 (vente Sotheby’s du 24 octobre 2025)
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Des premières enchères de livres rares à Londres au commerce mondialisé des NFT et des ventes en ligne, les maisons de vente aux enchères ont profondément façonné le marché de l’art. Elles incarnent à la fois la mémoire du goût et le moteur des évolutions esthétiques et économiques.
Leur histoire raconte celle de la valeur que nous accordons à l’art — entre passion, spéculation et reconnaissance culturelle.
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