Les foires et salons d’art occupent aujourd’hui une place essentielle dans le marché de l’art contemporain. De Bâle à Paris, de Miami à Séoul, ces rendez-vous attirent galeries, collectionneurs, artistes et institutions. Pourtant, leur histoire plonge ses racines bien plus loin, au cœur de l’Ancien Régime.
Retrace l’évolution de ces grands rassemblements artistiques, du Salon royal du XVIIIᵉ siècle aux foires internationales actuelles, c’est comprendre comment l’art s’est peu à peu professionnalisé, médiatisé et globalisé.
Salon de 1787 au Louvre – Pietro Antonio Martini (1787)
Bibliothèque Nationale de France, Paris (BnF /Gallica)
Les origines : des académies aux premiers salons officiels
Le Salon de l’Académie royale à Paris
L’histoire des salons d’art commence en France au XVIIe siècle. En 1667, l’Académie royale de peinture et de sculpture organise la première exposition officielle des œuvres de ses membres dans le Salon Carré du Louvre. Cet événement, rapidement appelé « le Salon », devient la vitrine de l’art officiel.
Les artistes y présentent leurs tableaux au public et aux critiques, souvent sous le regard du pouvoir royal. Le Salon devient une institution incontournable de la vie artistique française.
Le salon de 1699 –Nicolas Langlois
Gravure dans un almanach de 1700
Le rôle des Salons dans la reconnaissance des artistes
Au XVIIIe et XIXe siècles, le Salon est le principal moyen d’exposition pour les peintres. Il devient un phénomène social et culturel. Les foules s’y pressent, et les écrivains s’en emparent
Diderot, dans ses Salons publiés entre 1759 et 1781, invente la critique d’art moderne en commentant les œuvres exposées.
Baudelaire y consacrent également ses écrits, contribuant à forger l’opinion publique.
Être exposé au Salon, c’est être reconnu ; en être exclu, c’est risquer l’oubli. C’est dans ce contexte que naîtront les premiers mouvements de rupture.
Le Salon de 1824 – Francois-Joseph Heim (1827)
Musée du Louvre, Paris
Les Salons indépendants et la révolte des artistes
Le XIXᵉ siècle voit naître les Salons alternatifs : le Salon des Refusés (1863) révèle Manet, tandis que le Salon des Indépendants (1884) et le Salon d’Automne (1903) ouvrent la voie à la modernité. Ces manifestations affirment la liberté de création et la diversité des styles, contre l’académisme officiel. Elles préfigurent les foires d’art modernes, ouvertes, plurales et marchandes.
Manet, Monet, Pissarro et d’autres impressionnistes y exposent, marquant la naissance d’une nouvelle ère : celle de la liberté artistique et de la reconnaissance hors des institutions.
Le déjeuner sur l’herbe – Edouard Manet (1863)
Musée d’Orsay, Paris
Exposé au Salon des Refusés de 1863
L’essor des expositions modernes et internationales
Les Expositions universelles et le prestige culturel
À partir de 1851 avec Londres, les Expositions universelles offrent une nouvelle scène internationale à l’art. Elles présentent les nations, les innovations et les chefs-d’œuvre dans une perspective de progrès et de prestige.
Ces grandes manifestations participent à la démocratisation de l’art et ouvrent la voie à la création de musées d’art modernes.
Les galeries et les expositions privées
Au tournant du XXe siècle, les galeries d’art prennent le relais. Ambroise Vollard, Daniel-Henry Kahnweiler ou Paul Rosenberg deviennent des figures centrales : ils organisent des expositions, soutiennent les avant-gardes et introduisent une logique commerciale nouvelle.
L’exposition devient un outil de marché et non plus seulement un événement institutionnel.
Les Biennales et la naissance de l’art international
En 1895, la création de la Biennale de Venise marque une étape décisive : pour la première fois, l’art contemporain est présenté sur une scène mondiale. Les pavillons nationaux reflètent la rivalité culturelle et politique des nations.
Les biennales de São Paulo, de Kassel (Documenta) et de Lyon suivront, affirmant le rôle de l’art comme acteur de la mondialisation culturelle.
Portrait d’Ambroise Vollard – Paul Cézanne (1899)
Petit Palais, Paris
Ambroise Vollard était marchand d’art, galeriste, éditeur et écrivain français.
Il révéla Paul Cézanne, Paul Gauguin, Vincent Van Gogh, Henri Matisse, Pablo Picasso…
Exposition internationale des beaux-arts à Venise, la foule à l’entrée (1895)
Les foires d’art contemporain et le marché global
La naissance des grandes foires d’art
Les foires d’art contemporain apparaissent à la fin des années 1960, avec Art Cologne (nommée Kölner Kunstmarkt – 1967), Art Brussels (nommée Foire d’Art Actuel – 1968) et Art Basel (nommée ART – 1970) comme modèles.
Elles réunissent les galeries du monde entier et deviennent le lieu privilégié des collectionneurs et des professionnels.
Depuis le début des années 2000, le phénomène des foires internationales a transformé le marché de l’art en un véritable réseau globalisé.
La maison Art Basel s’est étendue à Miami Beach, Hong Kong, Paris et bientôt Doha, affirmant son rôle de plateforme mondiale où se rencontrent galeries, collectionneurs et musées. De son côté, la foire britannique Frieze a suivi une trajectoire similaire, s’implantant à Londres, New York, Los Angeles et Séoul.
Cette expansion témoigne d’une internationalisation sans précédent du marché de l’art, où la circulation des œuvres, des artistes et des capitaux dépasse désormais les frontières nationales.
Messeplatz et le parc d’exposition Messe Basel où a lieu Art Basel – Installation CHOIR de l’artiste allemande Katharina Grosse à Art Basel 2025 (Photo Jennifer 8. Lee)
La place des foires françaises : FIAC, Art Basel et les foires spécialisées
En 1974, la FIAC (Foire Internationale d’Art Contemporain) voit le jour à Paris. Longtemps installée au Grand Palais, elle s’impose comme un rendez-vous majeur de la scène européenne. En 2022, elle est remplacée par Paris+ par Art Basel qui deviendra Art Basel Paris en 2024, marquant la montée en puissance du marché parisien sur la scène internationale.
Parallèlement, un réseau de foires spécialisées s’est imposé au fil des années à Paris, mettant à l’honneur la richesse et la diversité des pratiques.
Paris Photo, fondée en 1997, est devenue la référence mondiale pour la photographie. Le Salon du dessin, créé en 1991, célèbre chaque printemps l’excellence du dessin ancien et moderne au Palais Brongniart, tandis que Drawing Now Paris s’attache à promouvoir la création contemporaine sur papier. OFFSCREEN se focalise sur des installations et expérimentations autour de l’image fixe et en mouvement. Cette année, Céramique Art Fair Paris consacrera la céramique comme médium majeur de la sculpture contemporaine.
Ces événements contribuent à valoriser des disciplines longtemps marginales, tout en attirant collectionneurs et institutions internationales.
Cette diversité se retrouve aussi dans l’essor de foires régionales à vocation internationale, qui témoignent de l’ouverture croissante du marché français.
Asia Now, dédiée à la scène asiatique contemporaine, met en lumière la vitalité des créateurs venus de Chine, de Corée ou d’Inde.
AKAA (Also Known As Africa) explore les expressions artistiques de l’Afrique et de ses diasporas, tandis que Menart Fair se concentre sur les artistes du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
Ces foires renforcent le rôle de Paris comme capitale culturelle et moteur du marché de l’art.
Art Basel Paris 2024 au Grand Palais (© Art Basel)
Drawing Now Paris 2025 au Carreau du Temple
(© Drawing Now Paris)
Les foires régionales et la diffusion de l’art contemporain
À côté des grandes manifestations, des foires régionales comme Art Paris (1999), Lille Art Up! (2008), Art Montpellier (2017) ou ST-ART à Strasbourg (1996) participent à la vitalité artistique française. Elles favorisent la rencontre entre galeries, artistes et collectionneurs, contribuant à la démocratisation du marché de l’art.
Lille Art Up ! 2025 au Grand Palais de Lille (© Lille Art Up)
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Des salons royaux du XVIIe siècle aux foires internationales du XXIe siècle, l’histoire des expositions d’art témoigne d’une évolution majeure : celle du passage d’un art institutionnel à un art mondialisé et marchand.
Aujourd’hui, les foires sont bien plus que des lieux de transaction : elles incarnent des espaces de dialogue, de découverte et de reconnaissance.
Dans un monde globalisé, elles demeurent les grandes scènes où s’écrit, sous nos yeux, l’histoire vivante de l’art.
Bibliographie
Patricia Mainardi, The End of the Salon: Art and the State in the Early Third Republic, Cambridge University Press, 1993.
Raymonde Moulin, Le marché de l’art : mondialisation et nouvelles technologies, Flammarion, 2003.
Nathalie Heinich, Le triple jeu de l’art contemporain, Minuit, 1998.
Marc Spiegler, Art Fairs: The New Art World Order, Art Review, 2015.
Foires d'art à Paris du 20 au 26 octobre 2025
Association Matignon Saint-Honoré
le 20 octobreArt Basel Paris
Grand Palais – du 24 au 26 octobreOFFSCREEN
Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière – du 21 au 26 octobreAsia Now
Monnaie de Paris — du 21 au 26 octobreDesign Miami
L’Hôtel de Maisons, Paris – du 22 au 26 octobreParis Internationale
Rond-Point des Champs-Élysées – du 22 au 26 octobreModern Art Fair
Place de la Concorde, Paris – du 23 au 26 octobreAKAA
Carreau du Temple – du 24 au 26 octobreMenart Fair
Galerie Joseph – du 25 au 27 octobreOutsider Paris
Bastille Design Center – du 22 au 26 octobreCeramic Art Fair
Maison de l’Amérique Latine – du 22 au 25 octobreThema
Palais Brongniart – du 22 au 26 octobreSalon International du Patrimoine Culturel
Carrousel du Louvre – du 23 au 26 octobre- Private Choice
117 rue de la Tour (16e) – du 19 au 26 octobre
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