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Les aléas de la diplomatie culturelle franco-russe

L’art moderne français de collections russes s’invite dans une fondation privée française

Le soir du jeudi 20 octobre 2016 est inaugurée l’exposition « Icônes de l’art moderne. La Collection Chtchoukine » à la Fondation Louis Vuitton.

Il s’agit de la première exposition des œuvres appartenant à Sergueï Ivanovitch Chtchoukine (1854-1936), industriel et un des plus grands collectionneurs de l’art moderne, depuis que celles-ci ont été dispersées en 1948 par un décret de Staline.

127 chef-d’œuvres sur un total de 274 ont été réunis pour cette exposition à Paris. On y retrouve les plus grands artistes : Monet, Courbet, Matisse, Picasso, Gauguin, Signac, Cézanne, Rousseau, Derain…

Une amitié entre Jean-Paul Claverie – proche conseiller du président de LVMH – et le petit-fils de Chtchoukine, des années de tractations avec le gouvernement de la Fédération de Russie, une rencontre avec Vladimir Poutine au Kremlin, un engagement avec les musées de l’Ermitage, le musée Pouchkine et la galerie Tretiakov, une somme considérable pour restaurer des tableaux majeurs, les transporter, les assurer sont tous les ingrédients précieux pour organiser l’exposition de la collection, saupoudrée par une relation diplomatique forte entre la France et la Russie malgré les tensions fréquentes. Les présidents russe et français, Vladimir Poutine et François Hollande signeront la préface du catalogue, illustrant l’engagement de ces deux pays pour ce moment fort qui réunira 1,7 millions de visiteurs en 4 mois.

5 ans plus tard (avec 3 ans de retard suite de l’épidémie de la Covid-19), la fondation du groupe LVMH inaugure une nouvelle exposition, celle de la collection de Mikhaïl Abramovitch Morozov (1870-1903) et Ivan Abramovitch Morozov (1871-1921). Van Gogh, Monet, Bonnard, Matisse, Gauguin, Renoir, Manet, Cézanne… et des artistes russes collectionnés par ces deux frères moscovites sont exposés dans les murs de la fondation Louis Vuitton. « La Collection Morozov. Icônes de l’art moderne » qui comprend 200 chefs-d’œuvres exceptionnels est inaugurée par le président de LVMH, Bernard Arnault, et le président de la République Française, Emmanuel Macron, le mardi 21 septembre 2021.

La préface du catalogue est également signée par les présidents Vladimir Poutine et Emmanuel Macron.

Il s’agit à nouveau d’un grand coup diplomatique engagé dès la fin de l’exposition de la collection Chtchoukine, pour réunir pour la première fois ces œuvres en dehors de la Russie et accueillir 1,25 millions de visiteurs.

Pour Emmanuel Macron, « [L’exposition] s’inscrit dans ce qui nous oblige le président Poutine et moi-même. Elle s’oppose à quiconque voudrait convaincre que la Russie n’est pas une terre européenne. […] Face à une telle histoire, une telle compréhension réciproque de ce qu’est l’âme française et l’âme russe, je veux témoigner de l’engagement de la France à poursuivre ce chemin ». Bernard Arnault ajoute qu’elle est « […] l’illustration remarquable des liens culturels éternels entre la France et la Russie ».

Une diplomatie papillotante

Les relations diplomatiques entre la France et la Russie débutent réellement pendant les règnes de Pierre le Grand et Louis XV (premier traité d’alliance le 15 août 1717) renforcées par Catherine II, et seront solides malgré des grandes perturbations suite aux divers conflits : les guerres, l’exécution de Louis XVI, les invasions, les révolutions. Il en reste que l’influence de la France restera très forte au tournant du XIXème et XXème siècles, justement au moment où nos grands collectionneurs russes rencontrent les jeunes artistes modernes français. Beaucoup de russes migreront en France après la guerre civile qui rend victorieux les bolchéviques contre les russes blancs (1922), dont Sergueï Chtchoukine.

Les évènements du XXème siècle nombreux (révolution bolchévique, dettes russes non honorées, alliance pendant la seconde guerre mondiale, guerre froide, fin de l’URSS, réformes économiques, conflits pendant la présidence de Vladimir Poutine…) conduisent à des relations diplomatiques irrégulières mais persistantes. Les contacts entre les présidents russes et français lors de la crise ukrainienne actuelle en sont probablement l’illustration.

Cette diplomatie s’illustre régulièrement par les échanges artistiques et culturels entre les pays. Ils ont été nombreux entre la France et la Russie et ils sont utilisés également comme levier d’influence comme l’appel à la confiscation des œuvres prêtées à la Fondation Louis Vuitton pour la dernière exposition de la collection Morozov. La France a garanti le retour des œuvres malgré les difficultés liées aux sanctions européennes. Seuls deux tableaux restent en France : l’un appartenant à un oligarque russe visé par une mesure de gel d’avoirs, l’autre appartenant au Musée d’histoire de Dnipro en Ukraine – à la demande des autorités ukrainiennes pour assurer son retour en sécurité.

Le pouvoir doux, traduction littérale de l’expression anglaise plus usitée « soft-power », est d’usage depuis que les peuples se rallient.

Les plus grandes puissances font appel à cette force, investissant énormément dans la présence culturelle à l’étranger. Les États-Unis ont probablement été le pays à l’appliquer le plus intensivement à partir de la seconde moitié du XXème siècle.

Visuel :

Louise Hersent 
Louis XV enfant visite le Tsar Pierre Ier à l’hôtel de Lesdiguières, le 10 mai 1717 (1840)
Huile sur toile
©  Château de Versailles, dist. RMN – Grand Palais / Christophe Fouin

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